LES DEUX TAUREAUX ET UNE GRENOUILLE

 

Deux Taureaux combattaient à qui posséderait
Une Génisse avec l'empire.
Une Grenouille en soupirait.
« Qu'avez-vous ? » se mit à lui dire
Quelqu'un du peuple croassant.
« Et ne voyez-vous pas, dit-elle,
Que la fin de cette querelle
Sera l'exil de l'un ; que l'autre, le chassant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux ;
Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse
Du combat qu'a causé Madame la Génisse. »
Cette crainte était de bon sens.
L'un des Taureaux en leur' demeure
S'alla cacher à leurs dépens :
Il en écrasait vingt par heure.
Hélas ! on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.